Violation du pacte de préférence : évolution prudente de la jurisprudence
le 10 janvier 2008
Cass. Ch. Mixte, 26 mai 2006.
Le pacte de préférence est un contrat par lequel le promettant, s'il se décide à contracter, s'engage à adresser son offre de contrat en priorité au bénéficiaire.
Cette convention peut être conclue avant tout contrat et, par exemple, précéder la conclusion éventuelle d'une cession de fonds de commerce ou de droit au bail.
Elle peut aussi constituer une simple clause et s'insérer dans un contrat d'ores et déjà conclu. Ainsi de nombreux contrats de franchise prévoient-ils que le franchiseur bénéficiera d'un droit de préemption (de préférence) dans l'hypothèse où le franchisé se déciderait à vendre son fonds.
Quid de la sanction de ces pactes de préférence lorsque le promettant (dans ce dernier cas, le franchisé) vend à un tiers en violation des droits du bénéficiaire (ici, le franchiseur) ?
La jurisprudence a longtemps refusé au bénéficiaire le droit d'être substitué dans le bénéfice du contrat conclu en violation de ses droits (dans la plupart des cas, une vente). Elle se contentait de condamner le promettant au paiement de dommages-intérêts et, dans de rares hypothèses, d'annuler le contrat litigieux.
Par un arrêt de sa chambre mixte en date du 26 mai 2006, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence, puisqu'elle admet désormais la possibilité d'une substitution. L'efficacité des pactes de préférence s'en trouve donc renforcée.
Cependant, la substitution ne sera possible que lorsque deux conditions seront réunies :
- - que le tiers ait connaissance de l'existence du pacte de préférence
- - que ce tiers ait connaissance de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir.
Autant dire que les hypothèses de substitution seront rares, tant la preuve que ces deux conditions sont remplies paraît difficile à apporter.
Cela ne signifie pas pour autant que le promettant et le notaire éventuellement chargé d'instrumenter la vente conclue avec un tiers en violation des droits du bénéficiaire n'engageront pas leur responsabilité (Cass. Ch. Mixte, 26 mai 2006 : le notaire ayant connaissance d'un pacte de préférence doit, avant l'authentification d'un acte de vente, veiller au respect des droits du bénéficiaire du pacte et, le cas échéant, refuser d'authentifier la vente conclue en violation de ce pacte.).
Attention, donc, au respect des pactes de préférence.