Revendre sans entraves
le 06 février 2007
La revente de son fonds de commerce par le franchisé est encadrée par son contrat. Le franchiseur dispose d’un droit de préemption et d’un droit d’agrément qui, s’ils peuvent être acceptables dans le souci de la pérennité du réseau, s’apparentent trop souvent à des droits régaliens difficiles à justifier. D’où la nécessité d’introduire des garde-fous.
Le choix d’un réseau doit se faire en fonction de divers critères dont la rentabilité de l’activité au cours de l’exécution du contrat. Il s’agit là d’un élément essentiel mais il ne doit pas occulter les autres, en particulier la valeur du fonds lors de la revente. Ces dernières années ont vu s’envoler les prix des locaux, dans une spirale qui ne semble pas près de redescendre. Paris et les capitales régionales ne sont pas seules concernées par un phénomène qui a touché nombre de villes de province.
Ce phénomène est d’une telle ampleur qu’il a une incidence directe sur la rentabilité. Le coût de l’acquisition du fonds est le poste essentiel lors de la création. Le commerçant est souvent contraint de s’endetter lourdement pour acheter un emplacement. Or la collaboration avec le franchiseur s’inscrit dans une perspective à moyen terme. De nombreux contrats sont prévus pour cinq ans, certains mêmes pour une durée inférieure. Le commerçant doit s’assurer que cette durée d’exécution sera suffisante pour procéder au remboursement des emprunts.
Quel est le juste prix d’un magasin franchisé ?
D’autre part, le commerçant doit également être très vigilant quant aux modalités de cession de son fonds ou de son droit au bail : quelle sera la valeur du fonds lors de la revente ? Le fait d’appartenir à un réseau facilite-t-il la revente ou au contraire constitue-t-il un frein ? Aujourd’hui il semble malheureusement que l’insertion dans un réseau augmente les difficultés lors de la vente et a donc un impact négatif sur le prix.
La valeur d’un fonds ou d’un droit au bail ne peut être fixée qu’en référence aux prix que d’éventuels acquéreurs sont prêts à verser. Or certaines stipulations contractuelles peuvent avoir pour effet de limiter les offres de ces acquéreurs. Les rédacteurs des contrats, qui cherchent à privilégier les intérêts du franchiseur, insèrent fréquemment des clauses qui ont pour but d’offrir à celui-ci la maîtrise maximale du réseau et de limiter corrélativement les possibilités de cession des affilié.
Des clauses aux conséquences négatives sur la valeur des fonds
Ces clauses sont souvent présentées comme n’ayant pas d’effet négatif sur la situation des franchisés dans la mesure où elles n’interdisent pas, au sens strict, au commerçant franchisé de céder son fonds mais autorisent par contre le franchiseur à interférer dans cette cession.
Or, les contrats de franchise contiennent très fréquemment des stipulations contractuelles limitant, de façon indirecte les possibilités de cession :
- ainsi il découle de la clause d’agrément que toute cession du fonds avec l’enseigne du réseau ne peut avoir lieu qu’avec l’accord préalable du franchiseur.
- La clause d’agrément se cumule généralement avec un droit de préemption : le droit de préemption autorise le franchiseur à se substituer ou à substituer un tiers à l’acquéreur proposé par le franchisé à condition de payer le même prix que l’acquéreur trouvé par le franchisé.
La légitimité de ces clauses peut être admise mais leur application cumulative, sans garde fou, peut conduire à des abus.
Gare aux abus !
Quelques exemples sont nécessaires pour éclairer ce propos.
Le franchisé peut tenter de céder son fonds avec l’enseigne du franchiseur, solution qui paraît à priori la plus simple.
Or une telle cession ne peut intervenir qu’à la condition que le franchiseur donne son accord sur l’acquéreur. Ainsi le cédant doit, dans un premier temps, trouver un acquéreur, prêt à s’engager, puis il doit dans un second temps convaincre le franchiseur que cet acquéreur a les qualités nécessaires pour exploiter le concept.
Ainsi on doit déplorer que peu de contrats prévoient explicitement que le franchiseur doit motiver sa décision en cas de refus d’agrément. Pourtant, il est essentiel que le franchisé puisse vérifier le sérieux de cette motivation, ne serait ce que pour rechercher un nouvel acquéreur présentant les qualités requises. Or il arrive que des franchiseurs refusent d’agréer un acquéreur potentiel sans prendre la peine de fournir des éléments précis justifiant leur refus. Des formules stéréotypées sont souvent utilisées pour s’opposer à une cession pourtant essentielle pour le franchisé. Pour éviter des abus qui discréditent la profession, il serait raisonnable de prévoir dans les contrats, à la charge du franchiseur, une obligation de loyauté et de transparence, sans laquelle sa décision ne sera pas comprise et pourra passer pour arbitraire.
Pour une limitation des droits des franchiseurs
Dans la même perspective il est souhaitable d’inciter les rédacteurs de contrats à mettre des limitations au droit d’agrément. A partir de combien de refus la position du franchiseur doit elle être taxée d’abusive ? Le franchiseur qui refuse plusieurs acquéreurs potentiels ne doit-il pas s’engager à racheter le fonds de son franchisé ?
Il est urgent d’aménager les contrats afin d’éviter que les fonds de commerce es franchisés ne soient dévalorisés par le jeu irréfléchi de clauses contractuelles dont le but est détourné.
Le glissement de la maîtrise du réseau vers une volonté d’hégémonie est quasi naturel mais le franchiseur doit être conscient du fait que cette dérive ne pourra qu’aboutir à une perte de valeur des fonds de commerce de ses affiliés. Or le franchisé reste un commerçant, ainsi que se plaisent à nous le seriner nombre de spécialistes de la franchise, et un commerçant est soucieux de la valeur de son fonds. Les partenaires sont aujourd’hui informés et certains sont déjà réticents à intégrer des réseaux qui ne leur assurent pas la protection de leur investissement.
Le franchisé doit pouvoir vendre au prix du marché
Le problème du fonds est ainsi au cœur des systèmes de partenariat, que l’on se place dans le cadre d’une franchise, d’une concession ou d’une affiliation… Le distributeur a recours à un système de distribution associée en partie parce qu’il ne peut ou ne veut investir dans l’achat de points en propre. Il demande alors à des partenaires d’investir sur son enseigne en acceptant d’acheter des fonds dans lesquels ses produits seront distribués. Le distributeur a donc besoin de ses partenaires pour son développement. Il y a réciprocité au moment de la mise en place des points de commercialisation. Or cette réciprocité tend à disparaître lorsque le partenaire veut quitter le réseau. Le distributeur doit admettre que cette possibilité doit rester offerte à son partenaire et à des conditions financières qui doivent être celles du marché et non pas celles découlant d’un arbitraire contractuel. Le distributeur ne pourra assurer la pérennité de son modèle que si ses partenaires sont assurés de la valeur de leur fonds : l’intérêt commun économique doit être le fil conducteur des stratégies de développement.