Franchise participative : fort peu d'avantages pour le franchisé

le 19 août 2009 / Monique Ben Soussen, avocat à la cour

Le coup de pouce financier engendré par la participation du franchiseur au capital de son franchisé est totalement illusoire : généralement les franchiseurs se contentent d'apporter 26 ou 50 % du montant du capital social : ce montant est variable mais en tous état de cause il est fort rare que le franchiseur apporte plus de 15 ou 20 000 euros.

Une fois la société franchisée crée, c'est elle qui emprunte auprès des banques.

Il est fort rare que le franchiseur donne sa garantie ; je ne l'ai vu qu'une fois dans le réseau Buffalo Grill ; le franchiseur était caution des contrats de crédit bail immobilier. Il y avait dans ce cas un véritable engagement du franchiseur puisqu'il prenait le risque de payer aux  lieu et place du franchiseur. Mais peu de franchiseurs souhaitent s'engager à cette hauteur et le fait de détenir une partie du capital de la société franchisée leur sert surtout et avant tout à contrôler ce qui s'y passe.

Ce contrôle ne s'exerce pas au niveau du quotidien mais intervient lorsque des décisions importantes doivent être prises, décisions qui influent sur le maintien dans le réseau.

La prise de participation par le franchiseur dans la société du franchisé se rencontre surtout dans la distribution alimentaire. Le franchiseur détient soit 26% soit 50% des parts de la société d'exploitation. Il s'agit là d'une stratégie de contrôle délibérée : en étant associé le franchiseur participe à toutes les décisions concernant la vie de la société :

  • Changement d'enseigne,
  • Décision de céder le fonds de commerce
  • Changement de gérant etc..

Ainsi le franchiseur peut s'opposer à la vente du fonds à un réseau concurrent et ce bien que cette cession puisse être de l'intérêt de l'associé majoritaire et de la société elle-même.

Lorsque les points de vue divergent entre les associés au sujet d'un projet de cession ou de changement d'enseigne, la situation peut évoluer vers un blocage et il n'y a parfois pas d'autre recours qu'une action en justice. Une telle action est complexe car l'associé majoritaire, à savoir la personne physique qui a crée la société franchisée, doit prouver que l'attitude de l'associé minoritaire ou égalitaire va à l'encontre des intérêts de la société franchisée. Le juge doit donc procéder à un examen et à une recherche de l'intérêt de la société elle-même. Il ne faut pas confondre les intérêts particuliers de chaque associé et ceux de la société exploitante.

Aussi évitons l'angélisme et ne nous laissons pas aller à rêver : la franchise « participative » permet avant tout au franchiseur de contrôler le présent et l'avenir de la société liée par un contrat de franchise et ce contrôle va au-delà de la date d'expiration du contrat de franchise. Même après cette date le franchiseur reste associé dans la société franchisée et il a donc non seulement un droit de regard mais un véritable droit de contrôle ! difficultés pour céder le fonds, les parts, et même pour passer dans un autre réseau. La franchise participative aboutit ainsi à contraindre le franchisé à rester lié, ad vitam aeternam, avec son ancien franchiseur.

Le franchiseur intervient rarement au quotidien mais les problèmes apparaissent lorsque le franchisé veut céder le fonds ou les parts. Le montage mis en place le contraint à obtenir l'accord préalable du franchiseur- porteur de parts qui fera tout, et c'est assez simple dès qu'il est actionnaire, pour éviter la perte d'un point de vente. En réalité le franchisé dépend alors totalement de la bonne volonté du franchiseur : il peut s'opposer à une cession ou au contraire la faciliter en donnant son accord, voire en trouvant un acquéreur. Mais et c'est là que les choses se corsent , le franchiseur, tout puissant, peut également influer sur le prix. La marge de manœuvre du franchisé est très limitée puisqu'il ne peut vendre sans l'accord du franchiseur. Celui-ci peut donc donner son accord, voire racheter lui-même à condition que le prix soit « raisonnable» c'est-à-dire permette au successeur d'exercer dans de bonnes conditions.

On peut se poser la question des « limites acceptables » : en réalité c'est le principe lui-même qui est pernicieux, très dangereux et totalement contraire à la notion de commerçant indépendant.

Gardons en tête un schéma fréquent : une personne physique veut devenir entrepreneur indépendant ; elle créée dans cette perspective une société dans laquelle le franchiseur va prendre 26 ou 50% des parts. Toutes les décisions importantes pour la vie de la société devront être prises soit à la majorité des trois quart soit à l'unanimité. La personne physique n'est donc pas maître chez elle !

Mais c'est quand même elle qui s'est portée caution auprès des banques pour souscrire les emprunts ! ou qui a donné une hypothèque sur sa maison ou celle de ses propres parents. Ainsi « la franchise participative » ne limite pas les risques pour le franchisé : ces risques sont exactement les mêmes que si le franchiseur n'avait pas pris de participation dans la société ! Par contre le système limite considérablement sa liberté.

Le franchisé est encore moins l'entrepreneur indépendant que l'on nous dépeint lorsque le franchiseur détient une participation dans sa société. En réalité le franchisé devient en quelque sorte le mandataire du franchiseur mais  un mandataire qui assume des risques financiers importants. Par contre il y a fort peu de chances que le système mis en place lui permettre de vendre dans de bonnes conditions c'est-à-dire en faisant une bonne plus value.

Un entrepreneur indépendant doit être maitre à bord tout au moins aussi maitre qu'un système comme la franchise l'autorise. Prendre des risques est acceptable à condition de pouvoir, de temps à autre, diriger sa barque.

Le seul conseil à retenir est le suivant : ne pas accepter d'entrer dans ce système et ce à aucun prix.

Aujourd'hui le système est toujours en vogue dans le monde de la distribution alimentaire, et génère un contentieux non négligeable.

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