Choisir ses fournisseurs : le régime de la liberté surveillée pour le franchisé !

le 19 août 2009 / Monique Ben Soussen, avocat à la cour

Le système de la franchise, par nature, implique la soumission à diverses contraintes, dont le recours aux fournisseurs référencés par le franchiseur ; La question qui se pose naturellement concerne la légitimité de ce recours de façon constante et systématique ; Il convient, dès le départ, de faire le distinguo entre franchise de distribution et franchise de services.  Et bien qu'une telle présentation soit extrêmement scolaire, elle parait néanmoins s'imposer pour plus de clarté.

En ce qui concerne les franchises de distribution : il s'agit des réseaux dans le cadre desquels le franchisé commercialise les produits sélectionnés par le franchiseur. Ainsi sont concernés par cette dénomination tous les réseaux dont l'activité essentielle consiste à proposer les produits portant la marque du franchiseur ou sélectionnés par celui-ci (réseaux de prêt-à-porter, d'ameublement, ou encore de distribution alimentaire ).

Il est clair, pour ce type de réseaux, que le choix du produit constitue l'une des caractéristiques essentielles de la franchise au même titre que l'enseigne. Il est donc légitime que le franchiseur exige que son partenaire ne commercialise que les produits qu'il fabrique ou sélectionne. A défaut il serait impossible de créer une unité dans le réseau et l'incohérence ne pourrait que dérouter le client final, qui est quand même celui grâce à qui la machine tourne !

La situation est radicalement différente dans les franchises de services, dans lesquelles le savoir faire du franchiseur ne se situe pas au niveau du produit mais au niveau du savoir faire. Le savoir faire doit alors s'entendre comme l'ensemble des méthodes de travail élaborées par le franchiseur. Ce sont ces méthodes qui permettent au franchisé d'exercer son métier, le plus souvent dans le secteur du conseil.

Dans un tel cas de figure, il n'y a pas de produits à proprement parler qui sont proposés à la clientèle. Il n'y a donc pas lieu de prévoir une quelconque exclusivité d'approvisionnement .

L'intégration dans un réseau implique que le franchisé respecte les préconisations du franchiseur en matière d'ameublement, de signalétique, d'informatique, ainsi que pour l'ensemble des documents nécessaires à l'activité : bons de commande, bons de livraison, factures, documents publicitaires, etc... La tendance des franchiseurs consiste, là encore, à imposer leurs propres fournisseurs. Les arguments utilisés sont divers et parfois même surprenants.

En premier lieu l'argument le plus fréquent concerne la maitrise du produit qu'ont les fournisseurs choisis par le franchiseur. Le second argument réside dans le fait que les prix auraient été négociés. Cet argument prête parfois à sourire car il arrive, et ce n'est pas exceptionnel, que les prix négociés soient plus élevés que ceux que le franchisé aurait pu obtenir en s'approvisionnant directement auprès des fournisseurs de son choix. La situation est parfois franchement ubuesque lorsqu'il s'agit de faire réaliser des travaux pour mettre un magasin aux normes. Les entreprises « recommandées » par le franchiseur, en situation de monopole de fait, ne sont guère enclines à faire jouer la concurrence.

Alors la question doit être posée : dans quels cas le franchisé est il contraint de passer par les entreprises et prestataires recommandés par le franchiseur ? cette question a souvent un impact financier important pour des structures en phase de démarrage dont la trésorerie n'est pas extensible à l'infini. La position de la jurisprudence a été élaborée au fil des ans dans la perspective de trouver un équilibre : pour les tribunaux les clauses d'approvisionnement exclusif ne se justifient que lorsqu'elles portent sur des produits ou services indispensables à l'exploitation du concept. Pour les autres prestations le franchisé doit pouvoir s'adresser aux entreprises de son choix à condition de respecter les préconisations du franchiseur. Celui-ci doit d'ailleurs faire preuve de bonne volonté et fournir aux entreprises du franchisé les informations nécessaires à la mise en place du concept. Ainsi un franchisé peut toujours faire faire les travaux par les artisans de son choix. Ceux-ci devront bien sur respecter le concept mais aucune autre limite ne doit être posée à cette liberté de choix.

La solution est identique en ce qui concerne les agencements intérieurs : le franchisé doit pouvoir les acquérir ou les faire faire par les entreprises de son choix. Les entreprises intervenantes doivent travailler en respectant le cahier des charges fourni par le franchiseur. Ce cahier des charges est une pièce essentielle de la collaboration qui doit s'instaurer entre le franchiseur et le futur franchisé. Celui-ci a besoin de faire des travaux dans le respect du concept, or seul le franchiseur détient les éléments permettant de déterminer ce qui relève dudit concept. Ces éléments sont réunis dans ce cahier des charges dont la communication est indispensable. Il est en effet impossible de faire intervenir des entreprises sans leur fournir des indications précises : celles-ci doivent être contenues dans un document utilisable par tous les intervenants. L'une des attributions du franchiseur consiste donc à élaborer un cahier des charges permettant au franchisé de connaître les exigences du franchiseur et de s'y conformer.

Mais il existe d'autres domaines où le franchisé peut être amené à respecter les exigences du franchiseur à condition que celles-ci soient encadrées.

 En ce qui concerne le matériel informatique, là encore la liberté doit être la règle à condition de respecter les spécifications techniques fournies par le franchiseur. Pas question par conséquent de travailler sur un matériel vieillot mais pas question non plus de se voir imposer un fournisseur avec des prix qui s'envolent. La situation est différente en ce qui concerne les logiciels nécessaires à l'exploitation du fonds : parfois spécifiquement élaborés pour le réseau, ils ne sont alors commercialisés que par leur concepteur. Dans ce cas il n'y a pas d'autre possibilité que d'acquérir ce matériel. Par contre il arrive aussi que le franchiseur propose l'achat de logiciels pouvant également être acquis librement. Dans une telle hypothèse il convient de rechercher le meilleur prix.

Le problème se complique un peu avec l'utilisation des consommables dans certains secteurs d'activité comme la coiffure ou la restauration. Pour certains produits, siglés à la marque du franchiseur, ( shampoings, colorants, serviettes etc...) le franchisé n'a guère de marge de manœuvre et doit les acquérir auprès du propriétaire de la marque, et ce même si il est parfois possible de trouver des produits de qualité équivalente à des prix plus bas. Dans le secteur de la restauration la situation est parfois sensible car le franchiseur peut avoir mis en place une centrale d'achats et exiger le recours à celle-ci. A priori le franchisé n'est pas tenu de passer par une telle centrale lorsqu'elle existe ni d'avoir recours aux fournisseurs référencés par le franchiseur. Par contre il doit être très scrupuleux et ne proposer que des produits de qualité égale, voire supérieure, à ceux préconisés par le franchiseur. Les produits alimentaires n'étant pas siglés le franchiseur ne peut imposer le recours à ses filières d'approvisionnement pour les membres du réseau. Par contre attention à ne pas proposer des produits de qualité médiocre qui pourraient ternir l'image de marque du réseau ...pour un gain de quelques picaillons.

En conclusion il faut, lorsque la marque est en cause, respecter la clause d'approvisionnement exclusif. Dans tous les autres cas le franchiseur est libre à condition de respecter les spécifications techniques et les exigences de qualité du franchiseur. Il ne joue pas seul l'avenir de son entreprise mais il s'inscrit dans un réseau et de ce fait il  ne doit pas prendre le moindre risque au niveau de l'image de celui-ci dans l'esprit des consommateurs.

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