Délocaliser les bons emplacements ?

le 20 novembre 2006 / Maître Monique Ben Soussen, avocat à la Cour d’appel de Paris

L’inflation du prix des fonds de commerce se poursuit, et il ne semble pas que, sauf à construire les villes à la campagne comme le proposait Alphonse Allais au siècle dernier et un candidat à la Présidence tout récemment, quelque politique, économiste, ou urbaniste ait la solution pour ramener le prix des fonds à des valeurs plus modérées.

On voit aujourd’hui des boutiques d’à peine 60 m2 proposées à 900.000 euros dans les meilleurs quartiers de Paris, à 500.000 dans des zones moins huppées, mais montantes. On relève un pas-de-porte à Bordeaux pour 300.000 euros, un salon de coiffure en Avignon pour 230.000 euros, une boutique Jeff de Bruges dans un Centre commercial du Val d’Oise pour 200.000 euros ou un magasin d’arts de la table dans le Haut-Rhin pour 400.000 euros… Et on pourrait allonger la liste à l’infini.

La baguette magique de la suppression de la notion de fonds de commerce, cette spécificité française, serait-elle efficace ? Outre le fait que la vente de son fonds fait partie intégrante de la rémunération du travail du commerçant et constitue bien souvent son capital-retraite, cette suppression ne résoudrait pas le problème principal.

Les bons emplacements sont chers parce qu’ils sont rares, ou plutôt parce que les repreneurs et les enseignes se précipitent tous vers les mêmes emplacements, les fameux emplacements n°1 de centre ville, ces triangles d’or, ou supposés tels, du commerce moderne.

Et de ce fait, les enseignes ont à résoudre la quadrature du cercle : sélectionner simultanément un bon franchisé et un bon emplacement, sans grever la rentabilité de l’affaire ! Il faudrait presque que le franchiseur ait les moyens d’acheter lui-même les fonds les plus intéressants, pour les revendre ensuite au nouveau franchisé, celui-ci disposant, outre les qualités requises par le concept, de moyens financiers hors du commun ! Plusieurs réseaux, pourtant de bonne facture, se sont cassés les dents sur cet écueil.

Cependant, des solutions commencent à se dessiner. Ainsi, on voit des commerces typiques du centre ville se délocaliser, sinon à la campagne, du moins dans des Zones d’Activités extérieures, si souvent décriées pour leur aspect peu engageant. Plusieurs enseignes d’optique par exemple ont sauté le pas. Pour des investissements moindres, elles disposent de surfaces plus importantes avec, en prime, un parking. D’autres entrepreneurs imaginent aussi de créer des « villages d’enseignes » regroupant plusieurs marques de même univers autours d’une placette-parking commune en zone de périphérie. C’est en particulier la démarche du promoteur limousin CHT qui développe des programmes de « villages de commerçants ».

Oui, il faut trouver des solutions pour débloquer cette situation et, tout en laissant les anciens recueillir le juste fruit de leur labeur, permettre à des jeunes de se lancer dans le commerce, sans que leur avenir soit plombé par la spéculation.

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