Un outil d’aide à la décision : le contrôle de gestion

le 04 septembre 2006

Une interview de Lionel Boudoussier

Dirigeant d’AGT

Propos recueillis par Michel Delmas

AGT est spécialisé dans le contrôle externalisé de la gestion des points de vente du commerce associé. Son métier consiste à restituer aux commerçants, en contrepartie de la transmission régulière de leurs données, les analyses individuelles et collectives de leur activité, tout en envoyant à la tête de réseau toutes les informations nécessaires au pilotage de la chaîne.

En quoi le contrôle de gestion tel que vous le pratiquez peut-il servir à un candidat franchisé ?

Le principe du contrôle de gestion consiste à préparer des prévisionnels, des business plan, pour savoir, en permanence, si on est, ou pas, dans la plaque.

Quand un candidat s’adresse à un réseau pour ouvrir un point de vente, on établit un business plan avec un compte d’exploitation tenant compte de tous les éléments métier. Par exemple, pour un centre auto de 3 baies, on introduit tous les paramètres et il ressort un calcul fournissant le montant total de l’investissement.

Le logiciel va chercher dans la base de données tous les centres semblables, situés dans des villes comparables à la vôtre, disposant de 3 baies sur le même type de concept. On ajuste les variables, par exemple si on veut mettre 5 baies au lieu de 3. On obtiendra ainsi le coût-produit, de même que le référencement des points de vente analogues, leurs CA et leurs résultats. Il ressort un business plan décrivant le métier effectif, la gestion du personnel (plus ou moins développée selon les métiers).

Les différents partenaires ont dès lors un dossier qui valide les prévisions. Le candidat, mais aussi le banquier, le franchiseur partagent cet outil, qui leur délivre une vision claire de leur projet, ce qu’un simple compte d’exploitation ne peut pas fournir.

Il est utile au franchiseur pour le suivi de dossier : demande de Cdec, suivi de formation, versement des fonds, et obtention des garanties.

Le franchisé va pouvoir mesurer son activité dès le premier mois, grâce aux tableaux de bords, établis en comparatif au prévisionnel et à l’ensemble du réseau. Or, on sait que la majorité des problèmes surgissent dans les tout premiers mois d’activité. Si le nouveau centre sort à -2 ou -5 par rapport au réseau, c’est plutôt bien.

On est là au début du contrôle de gestion. Celui-ci se poursuit en cours d’activité.

Pour un franchisé en activité, le contrôle de gestion est-il vraiment utile ?

Chaque mois, nous établissons les tableaux de bords des quelque 3.000 patrons d’unités franchisées (ou adhérents de coopératives) que sont nos clients. C’est complexe parce que l’environnement informatique des points de vente est hétérogène, et qu’il y a plusieurs profils d’enregistrements comptables. Mais aujourd’hui, on met dix fois moins de temps qu’il y a 10 ans, et on arrive à réaliser rapidement une saisie automatique des données.

Ensuite, vient le temps de l’analyse et du contrôle, réalisé par une équipe de quinze personnes. Tous les mois, on téléphone à chacun des clients. On vérifie avec lui s’il est d’accord avec les chiffres, et on discute avec eux des prévisionnels. Là j’ai dépassé mes investissements de 100.000 euros, il va falloir trouver un emprunt. Ici, j’ai un Prud’homme qui se dessine, il serait prudent de provisionner une somme, etc.

On peut mettre le doigt, même si ce n’est pas le but, sur une comptabilité aléatoire, des factures non enregistrées, des problèmes de démarque ou de détournement, voire des erreurs de payes…

Les franchisés sont-ils toujours  d’accord pour que le franchiseur mette en place un contrôle de leur gestion. ?

Dans quelques cas, une dizaine, nos clients franchisés ont refusé que leurs chiffres soient communiqués à la tête de réseau, qui s’est pliée à leur volonté. 

Il existe d’autres situations où le franchiseur a imposé le contrôle de gestion à certains de leurs franchisés.

Ainsi, l’un des franchisés d’un réseau avait 7 unités, et se trouvait en difficulté. Le franchiseur, ne voulant pas perdre les emplacements, a racheté l’ensemble et l’a placé en location gérance à son franchisé, tout en lui imposant l’outil de contrôle. Depuis, on a un rendez-vous régulier à trois pour analyser la situation au jour le jour au regard des chiffres collectés, qui sont contrôlés par les deux parties.  La situation est en voie de redressement.

Dans la majorité des situations, les tableaux de bords sont diffusés en même temps, d’un commun accord,  au franchiseur et au franchisé. Quand il dispose de l’information, le franchiseur peut réagir rapidement et voir avec ses animateurs quelles solutions apporter. Et cela se passe très vite. Là où il fallait deux jours d’analyse pour cerner un problème et deux autres journées pour apporter une solution, les choses deviennent, grâce à l’informatique, quasiment instantanées.

Chaque matin, arrivent des seuils d’alerte au siège du franchiseur. Une fenêtre s’ouvre dans la liste des « meilleures pratiques », indiquant par exemple les magasins ayant réalisé les meilleures économies sur telle ou telle charge externe, ou les meilleurs chiffres d’affaires, ou encore la croissance la plus importante. Cet outil est plus offensif que défensif, mais il dresse aussi la liste des magasins à contentieux ou ceux dont il faut surveiller le chiffre d’affaires.

Chez Carrefour, ce système de tableaux de bords atteint une grande complexité. Dans chaque hyper, il n’y a pas un seul budget, mais 70 budgets correspondants aux différentes familles de produits. Et il faut faire remonter chaque ligne de produits, soit 500.000 lignes quotidiennes, avec achat, vente, stock. On peut ressortir, par exemple les produits dont le chiffre d’affaires a perdu 5%, et leur importance relative (le principe des 20/80).

Ce système a permis, dans un hyper de 500 personnes, de gagner un point de marge !

Quels sont les problèmes principaux rencontrés lors des contrôles de gestion ?

Aujourd’hui, le problème principal, c’est le stock, c’est cela qui pèse le plus.

Dans les agences de voyage, le besoin en fonds de roulement est nul. Elles travaillent sur les acomptes, en général supérieurs aux paiements. Ce qui donne un BFR négatif : en fait ce système est une source de revenus.

Pour un Mr Bricolage, c’est tout le contraire. On dispose d’une rotation de 2, soit 180 jours de stocks payés à 90 jours. Plus votre chiffre d’affaire augmente, plus le besoin en fonds de roulement grimpe.

Dans les commerces de ce type, il faut être très attentif à cette question des stocks. Ce n’est pas vrai dans les services, où on mesurera plus, peut-être, la performance. Par exemple dans l’immobilier on met en parallèle le plan de formation des vendeurs par rapport à leurs ventes.

Le contrôle de gestion est-il répandu dans les réseaux de commerce associé ?

Aujourd’hui, 10% environ des réseaux disposent d’un outil de contrôle de gestion. Tant qu’on est sur des marges confortables, le contrôle de gestion n’est pas une nécessité : mieux vaut être un bon commerçant qu’un bon gestionnaire ! Mais il n’y a pas que des marges à 45% et des croissances à deux chiffres. De plus en plus, les marges diminuent et la croissance prend le même chemin. C’est là qu’intervient le besoin de gestion.

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