Se lancer en franchise en nom propre ou en société ?
le 01 juillet 2002 / Monique Ben Soussen, avocat à la cour
A. L’exercice en nom propre en qualité de commerçant
1. La simplicité
L’exercice en nom personnel présente essentiellement un avantage de simplicité. Il suffit de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés. Les pièces à rassembler concernent principalement l’état civil, la situation matrimoniale, le local/fonds de commerce, le caractère éventuellement réglementé de l’activité, l’identité de la personne ayant le pouvoir d’engager à titre habituel par sa signature la responsabilité de l’assujetti.
Le candidat à la franchise n’a pas besoin dans cette hypothèse d’établir de statuts de société, d’immatriculer une société, de faire apport du capital légal minimum, ni de trouver des associés. Usuellement le centre de formalités des entreprises se charge de régulariser la situation du commerçant vis-à-vis des organismes sociaux et fiscaux.
2. La faible protection
L’inconvénient majeur est la faible protection du commerçant dont tout le patrimoine, professionnel comme personnel, est le gage général des créanciers. Cela signifie que les créanciers du commerçant peuvent poursuivre leurs créances sur tout le patrimoine, personnel (immobilier, mobilier) comme professionnel. Ainsi, par exemple, si le commerçant franchisé dégage des pertes de 10.000 €, les créanciers peuvent pratiquer une saisie conservatoire de créances sur les comptes bancaires professionnelles et personnelles du commerçant, obtenir une hypothèque judiciaire sur la maison familiale, effectuer une saisie conservatoire sur les meubles. Dans ces conditions, à moins d’un aménagement du régime matrimonial (par exemple en optant pour la séparation des biens), il y a une transparence totale qui avantage considérablement les créanciers.
B. L’exercice en société
1. L’écran de la personnalité morale
L’exercice en société commerciale donne au franchisé personne physique un avantage essentiel : l’écran de la personnalité morale. L’existence d’une personne morale permet de limiter les poursuites des créanciers au montant du capital (sous réserve des dispositions de la loi du 25 janvier 1985, sur le redressement judiciaire, qui prévoient des cas de poursuite du dirigeant à titre personnel). Ainsi, par exemple, dans l’hypothèse d’une société à responsabilité limitée au capital de 50.000 €, si la société franchisée dégage des pertes de 100.000 €, et que le fondateur possède 499 parts sociales, il n’est personnellement tenu du passif qu’à hauteur de 49.900 €. Les créanciers de la société, dans ce cas de figure, ne pourront pas pratiquer de mesures conservatoires ou d’exécution forcée sur le patrimoine personnel du fondateur de la société.
2. Le comportement du franchiseur
L’inconvénient majeur de l’exercice en société découle du comportement du franchiseur. En effet, le franchiseur exerce souvent à la signature du contrat une pression sur le candidat à la franchise pour qu’il se porte caution personnelle des dettes éventuelles de la société. Cette seule exigence du franchiseur doit inviter le candidat à la franchise à la méfiance. Il faut avoir à l’esprit, en particulier dans les franchises de distribution, que le principal intérêt du franchiseur est de vendre ses produits. La technique contractuelle de la franchise lui permet de multiplier facilement ses ventes dans des proportions importantes. Le franchiseur est donc incité à demander au franchisé des garanties personnelles pour s’assurer d’être payé.
En cours d’exécution du contrat de franchise, et spécialement lorsque la société franchisée rentre dans une spirale de l’échec, avec des ventes sans commune mesure avec le prévisionnel, des pertes comptables importantes, bien souvent, la société franchisée n’a plus la trésorerie nécessaire pour poursuivre ses achats – voire a omis de payer les produits livrés. Pour autant, la société franchisée doit poursuivre son activité, étant le seul outil de travail de son fondateur. Dans une telle situation, le franchiseur est également en mesure d’exercer une pression sur la société franchisée, en proposant de livrer des marchandises à la condition que le fondateur offre des garanties personnelles (caution personnelle, reconnaissance de dettes, etc).
C’est en ayant conscience de ces éléments que le franchisé doit faire son choix entre l’exercice en nom personnel ou en société sachant que tout se négocie, en particulier avant la conclusion du contrat de franchise. Il existe en France plus de 500 réseaux de franchise qui se font une rude concurrence pour trouver des franchisés. Le candidat à la franchise a donc un pouvoir de négociation dont il doit avoir conscience.
II. Le moment du choix
A. Avant la conclusion du contrat
C’est au travers de cette grille d’analyse, des avantages et des inconvénients de l’un et l’autre mode d’exercice, que le candidat à la franchise devra étudier le type de franchise envisagé.
Dans le cas d’une franchise de services, ne nécessitant pas un investissement initial important, dont l’activité ne requiert pas d’achats de marchandises par le franchisé au franchiseur, et qui ne requiert pas l’ouverture d’un magasin coûteux, l’exercice en nom personnel peut être recommandé. En effet, le risque financier est faible. Le franchisé a donc moins de raison de vouloir se protéger.
Dans le cas d’une franchise de distribution, bien souvent le local est d’une importance primordiale, ce qui immanquablement conduit à des loyers élevés. S’y ajoute usuellement une obligation d’approvisionnement du franchisé qui le contraint à acheter toutes les marchandises, souvent dans des volumes importants, auprès du franchiseur. Le risque financier est plus élevé. L’exercice sous la forme de société est recommandé.
B. En cours d’exécution du contrat
En cours d’exécution du contrat de franchise, la question essentielle est celle du passage de l’exercice en nom propre à un exercice en société (l’inverse ne présentant qu’un faible intérêt). A cet égard, il convient de rappeler que les contrats de franchise prévoient généralement une clause dite d’intuitu personae dont l’objet est justement d’organiser les changements dans l’identité du franchisé (plus rarement la clause est bilatérale, c’est à dire qu’elle s’applique non seulement au franchisé mais également au franchiseur).
Le plus souvent, le changement est admis à la condition que le franchisé, signataire initial, demeure le principal acteur, par exemple en détenant la majorité du capital de la société créée, voire, en devenant, de surcroît, le gérant de ladite société. Il faut donc examiner avec soin cette clause, dès avant la signature du contrat. Elle conditionne en effet la possibilité pour le franchisé de changer de mode d’exercice.
Cela étant rappelé, si la clause d’intuitu personae du contrat le permet, outre les formalités et dépenses usuelles (rédaction des statuts, création de la société, apport du capital, choix des associés) le franchisé devra opter pour l’une des deux techniques suivantes.
Le franchisé initial, commerçant personne physique, peut, en effet, faire apport du fonds de commerce à la société, soit céder le fonds de commerce à la société.
En cas de difficultés, voire de pertes comptables, le fait que le franchisé exerce en nom propre créé une situation très délicate. En effet, dans ce cas de figure, le franchiseur sera très vigilant et veillera à ce que la société reprenne les pertes du commerçant, en obtenant du commerçant qu’il s’y engage par écrit, voire en faisant souscrire au commerçant une reconnaissance de dettes. Le passage en société, dans une telle hypothèse, ne servirait donc à rien. Le franchisé ne pourra que regretter de ne pas avoir créé une société dès le départ.
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